Le miel, bientôt un produit de luxe?

Le miel, bientôt un produit de luxe?

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Récolté par l’homme depuis 17 000 ans, indispensable à nos tartines depuis l’enfance, le miel n’a jamais été aussi tendance. Produit 100% naturel et durable, paré de multiples vertus, aussi bien thérapeutiques qu’esthétiques, le miel et « l’apithérapie« , font le b(u)zz. Surtout depuis que le grand public a pris conscience du rôle essentiel joué par les abeilles dans le maintien de la biodiversité.

En passant d’une fleur à l’autre pour récolter de quoi fabriquer du miel, les butineuses pollinisent, en effet, les arbres fruitiers, les légumes, les oléagineux…

Si l’on en croit les Compagnons du miel, association militant pour la protection de l’abeille, de la biodiversité et pour le développement de l’apiculture: « La reproduction de plus de 80 % des espèces végétales dépend des pollinisateurs et principalement des abeilles ». Sans elles, plus de fruits, plus de légumes, plus de café, d’épices ni de chocolat. Et bien entendu, plus de miel.

Sale temps pour les buttineuses

Or, depuis une quinzaine d’années la population d’abeilles est en très nette diminution. Une disparition progressive attribuée aux changements climatiques, à la pollution, à l’utilisation massive de pesticides dans les campagnes et aux monocultures agricoles qui ne fournissent pas de nourriture suffisamment variée aux butineuses.

« Selon les régions, on constate la perte de 15 à 30% des colonies », déplore-t-on à l’Union nationale de l’apiculture française (Unaf). Si le nombre de ruches est resté à peu près stable, la production hexagonale a été quasiment divisée de plus de la moitié entre 1995 et 2013. « Elle n’atteint même pas les 15 000 tonnes aujourd’hui, contre et 33 000 tonnes en 1995! ». Même en milieu protégé, comme au sein du jardin potager bio de La Chassagnette, le restaurant étoilé d’Armand Arnal installé au beau milieu de la Camargue, les ruches produisent moins.

« Cette année d’ailleurs, on n’a pas renouvelé le cheptel », regrette le chef. Et s’il est trop tôt pour faire le bilan 2014, le printemps n’augurait rien de bon. » Le climat très pluvieux au nord, et très sec au sud, n’a pas favorisé la floraison cette année », confirme Henri Clément, le porte-parole de l’Unaf. Or, entre un tiers et la moitié de la récolte s’effectue au printemps…

Les Français n’en sont pas moins friands de miel. Si la production hexagonale s’effondre, la consommation est restée forte. Selon le ministère de l’Agriculture, nous dégustons environ 40 000 tonnes de miel par an, soit 600 g par personne.

Ce qui nous oblige à importer environ 26 000 tonnes de miel

Principalement d’Espagne, mais aussi d’Allemagne, de Belgique, de Hongrie, d’Argentine et d’Italie. Pas de risques donc, à priori, de retrouver du miel chinois dans nos rayons. Ces derniers, interdits de vente en Europe entre 2002 et 2004 après que des traces d’antibiotiques aient été trouvées dans les lots, semblent pourtant se glisser, ni vu, ni connu dans nos pots.

Premier producteur mondial de miel, la Chine fournit en effet le gros des importations de miel de l’Espagne, de la Belgique et de l’Allemagne. Pays spécialisés dans le reconditionnement du miel… Voilà qui expliquerait les surprenantes révélations du Centre d’études techniques apicoles de Moselle (Cetam), laboratoire français indépendant qui teste environ 3 000 types de miels différents chaque année.

Selon le Cetam, 10% des échantillons analysés, principalement des miels bon marché vendus en grandes surfaces, seraient douteux! La plupart étant adultérés. C’est-à-dire modifiés par l’ajout de sirop de glucose ou d’eau. Une pratique courante en Chine et dans certains pays de l’Est qui permet de réduire les coûts et qui risque fort de se développer avec la hausse des prix du miel due à une nette baisse de la production européenne.

Autre souci: les miels premier prix, comme ceux produits hors de l’Union européenne, sont parfois récoltés avant maturation. L’eau contenue dans le nectar n’a pas eu le temps de s’évaporer et le miel, non stable, risque fort de fermenter. Il est donc séché, artificiellement, en usine ce qui a pour effet de lui ôter toutes ses saveurs.

Casse-tête chinois en rayon

Alors comment choisir le bon pot en rayon? Acheter du « made in France », sans doute le pays le plus strict en matière de réglementation sur la qualité et la provenance du miel, est préférable. Surtout si l’étiquette précise que le miel a été « récolté et mis en pot par l’apiculteur ». Car la législation n’impose pas de précision particulière sur l’origine du produit. À peine peut-on lire, en tout petit, la mention « origine UE et hors UE ». Bref, le miel peut venir de n’importe où.

Se fournir localement, auprès de petits producteurs est une bonne façon de s’assurer de la qualité artisanale de ce produit 100% naturel. Privilégier les labels et appellations d’origine est une autre option. La France en compte sept. Dont deux en Alsace: l’IGP miel d’Alsace et le Miel de Sapin d’Alsace Label Rouge. Les Vosges produisent un miel de sapin des Vosges AOC-AOP, très prisé, de même que l’île de Beauté, qui bénéficie d’une AOC-AOP pour son miel de Corse. Enfin la Provence compte trois labels de qualité: un miel de lavande et lavandin Label Rouge, un miel de Provence IGP et un miel toutes fleurs Label Rouge.

Simplement, il n’y en aura pas pour tout le monde car ils ne représentent que 5% de la production nationale. Quant au miel bio, qui ne comptait que 360 exploitations françaises en 2010 selon l’Agence Bio, il garantit surtout que les ruches sont construites en matériaux non traités, que le recours à l’alimentation artificielle des abeilles est exceptionnel et les zones de butinage sont éloignées des sites potentiellement pollués.

Il faut savoir qu’une abeille qui butine une fleur traitée aux pesticides meurt avant de rentrer à la ruche. Elle fait donc office de « filtre naturel ».

Le boom du miel « made in city »

Et si la solution venait du miel urbain? Ces dix dernières années, les ruches ont en effet fleuri sur les toits et terrasses de nos villes. Suivant l’exemple de l’Opéra Garnier, première institution à avoir installé, en 1982, des ruches sur ses toits, les grands hôtels, les restaurants, les chocolatiers et même la mairie du 4e arrondissement de Paris s’essayent à l’apiculture.

La capitale a d’ailleurs mis en place une vraie politique « pro-miel » en privilégiant, pour ses espaces verts, des traitements respectueux des abeilles. La ville lumière ne compte pas moins de 300 ruches, dont le rucher pédagogique de Jardin d’Acclimatation. Pas encore au niveau des 700 ruches qui bourdonnaient dans la cité au temps de Napoléon mais l’expérience est encourageante.

La biodiversité des espèces urbaines, plantées dans les parcs et sur nos balcons, semble convenir aux abeilles et la température, en moyenne plus élevées de 2 ou 3 degrés dans les villes, n’est pas pour leur déplaire. Afin de sensibiliser l’opinion au déclin des « sentinelles de l’environnement » que sont les abeilles, les apiculteurs de France ont d’ailleurs sollicité plusieurs villes, de Lille à Lyon en passant par Nantes, pour tester la viabilité du miel urbain.

D’autres initiatives, comme la Banque du miel, qui permet aux citadins d’investir un peu d’argent dans l’installation de ruches en ville pour ensuite récolter du « miel béton » en guise de butin, vont dans le même sens. Le miel des villes permettra-t-il de compenser la production déclinante de miel des champs? Pourquoi pas? Quoi qu’il en soit, selon l’association des apiculteurs d’Île-de-France, « une ruche parisienne peut produire jusqu’à quatre fois plus qu’une installée à la campagne ».

Bientôt un luxe alimentaire?

Si le déclin des abeilles se poursuit, les miels de bonne qualité vont devenir de plus en plus rares et chers. Peut-être quitteront-ils nos tartines, nos desserts, nos tisanes et nos rôtis de porc pour migrer vers nos pharmacies, en tant que remède miracle. C’est, en effet, pour ses vertus thérapeutiques que le miel le plus cher du monde se négocie jusqu’à 150 le kilo en Arabie Saoudite. Il s’agit d’un miel de jujubier sauvage, le Zizyphus Spina Christi, exclusivement produit au centre-ouest du Yémen, dans la région de l’Hadramout.

Produit en toute petite quantité, à cause de la sécheresse, ce précieux nectar n’est pas prisé pour ses qualités gustatives mais bel et bien pour ses propriétés curatives. Réputé pour cicatriser les blessures et soigner les foies fragiles, le miel de jujubier sauvage aurait surtout des vertus aphrodisiaques insoupçonnées.

En savoir plus sur http://www.lexpress.fr/styles/saveurs/le-miel-bientot-un-produit-de-luxe_1560897.html#bxxLttawh3zZY5Ex.99

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